Un ministère pour la rizicultutre: mon avis d'agripreneur
Jadis autosuffisante, la
filière rizicole peine aujourd’hui à suivre le rythme de la consommation du
pays. C’est ainsi que, pour pallier les failles de la mise en œuvre des différentes
stratégies nationales, garantissant l’autosuffisance alimentaire qui implique
d’ importants budgets alloués à la
filière, le gouvernement a choisi de créer un nouveau ministère en charge de la
filière Riz.
Cependant,
l’autosuffisance contemporaine en riz
pour la Côte d’Ivoire relève-t-elle aujourd’hui plus d’une démarche stratégique
ou opérationnelle ?
Un programme national d’investissement
agricole
Le gouvernement ivoirien a annoncé mercredi 22 novembre 2017 la mise en
œuvre d’un deuxième Programme national d’investissement agricole (PNIA2)
couvrant la période 2018-2025 d’un coût total estimé à 11 905 milliards de FCFA
par la voix du ministre Bruno Nabagné Koné, jadis porte-parole du gouvernement.
Le PNIA2, qui s’inscrit dans la suite logique du PNIA 1 (2012-2016),
couvre plusieurs sous-secteurs que sont l’élevage, la pêche, l’aquaculture, la
gestion de l’environnement et le développement rural. Ce deuxième
programme venait apporter une réponse à la
nécessité d’une synergie d’actions terrains. L’innovation, dans cette phase 2
du Programme national agricole, que j’ai saluée dans mon courrier du 24 Octobre
2018 adressé au ministre de l’agriculture, réside dans la mise en place de neuf
agropoles qui devait couvrir l’ensemble du territoire national (des agropoles
qui n’ont jamais été opérationnelles).
Revenant sur le bilan du premier programme entamé en 2012, le montant de
ressources financières rendues disponibles pour la mise en œuvre du PNIA 1, s’élève
à 1 622 milliards de FCFA qui se répartissent entre les contributions apportées
par les partenaires techniques et financiers (1102 milliards FCFA), le secteur
privé à hauteur 510 milliards FCFA et l’Etat de Côte d’Ivoire pour 426
milliards de FCFA.
La riziculture, un secteur de
choix.
La politique nationale rizicole figurait en
bonne place lors du premier conseil des ministres de l’année 2018. Aussi, le mercredi 10 janvier 2018, le gouvernement
adoptait un décret portant création d’une nouvelle Agence de développement de
la filière de riz (ADERIZ) en remplacement de l'Office
national pour le développement du riz (ONDR). Bras armé du ministère de l’agriculture, cet office brandissait
en janvier 2012 une stratégie
nationale de développement de la riziculture (SNDR), avec pour objectif 1,9 million de tonnes (environ 2 Mt en 2020)
de riz blanchi pour atteindre l’autosuffisance
d’ici 2020. La nouvelle agence a pour mission de contribuer plus spécifiquement, au renforcement des
capacités de l’interprofession rizicole, à la réalisation des investissements
en infrastructures rizicoles et, à la mise en place d’un mécanisme pérenne de
couverture des besoins nationaux en semences de riz certifiées et en variétés
améliorées.
Il faut noter que déjà en 2012, le
gouvernement avait compris la nécessité de mettre un accent particulier sur la
filière riz, sachant que la Stratégie nationale de développement de la
riziculture (SNDR), a été financé d’un coût de 276 milliards de FCFA pour
porter la production actuelle de 793 000 tonnes à 2,1 millions de tonnes de riz
blanchi à l’horizon 2018.
À la veille de 2020 quel sont donc les
bilans de nos stratégies agricoles ?
Les objectifs du Plan National
d’Investissement agricole (PNIA) et de la Stratégie nationale de développement
de la riziculture (SNDR), semblent difficiles à atteindre quand nous savons que
la Côte d’Ivoire demeure un importateur net de riz - classé cinquième mondial
et deuxième au niveau du continent, derrière le Nigeria.
Le pays a atteint son record d’importation de riz de 1,45 million de tonnes (Mt) en
2018/19 et devrait
atteindre un nouveau record 1,5 Mt en 2019/20’ estime le département américain
de l’Agriculture (USDA). Et le grand bénéficiaire devrait être la Chine qui est devenue en
2018/19, le premier fournisseur d’Abidjan.
Ne cassons pas le
thermomètre, soignons la fièvre !
La Côte d’Ivoire ne manque ni de stratégie nationale, ni d’hommes pour
l’accomplir, mais de moyens d’actions, pour traduire les plans stratégiques en
actions efficaces et cohérentes sur le terrain. Étant
tous unanimes que notre pays a un grand potentiel de développement dans la
filière riz existante, nous pouvons anticiper en soignant le mal, qui est le
cadre stratégique qui ne donne pas assez de place à l’opérationnel.
À titre d’illustration, des semences
locales améliorées ont été développées tant par le Centre national de recherche
agronomique (CNRA) que par des organisations telles que AfricaRice. Toutefois, la Côte d’Ivoire enregistre un rendement moyen
de riz de 1,5 T/ha, contre une moyenne mondiale de 4,15 T/ha.
Ainsi,
malgré le potentiel de développement existant et le passage d’une ancienne
Agence de gestion de la filière à une nouvelle, les rendements sont restés
faibles, ne permettant pas au pays de couvrir les déficits alimentaires que
l’on observe, et les coûts de production demeurent élevés.
Au
vu des résultats obtenus, nous pensons qu’il aurait fallu plutôt investir dans
l’opérationnel en donnant plus de moyens à l’agence et acteurs sur le terrain
pour réussir la mise en œuvre de la stratégie. Ce choix aurait certainement
permis d’accroitre la productivité par un meilleur encadrement des
coopératives, des subventions des intrants et matériels agricoles.
Toutefois,
le gouvernement a fait le choix du renforcement du cadre institutionnel avec la
création d’un nouveau ministère, en charge de la promotion de la riziculture.
Nous espérons que cela permettra de renforcer le cadre d’actions et la mise en
œuvre de la stratégie.
Aussi,
l’un des plus gros enjeux de ce nouveau ministère sera d’accompagner la
réduction de l’interventionnisme étatique très présent et fort couteux dans ce
secteur afin d’assurer la transition d’une politique de désengagement de l’État,
du secteur productif, par la responsabilisation
de la profession agricole et se limiter à un rôle d’appui au développement.
Le nouveau ministre devra donc comprendre la
nécessité de mettre les moyens d’actions efficaces sur le terrain (Finances, ressources humaines et matérielles,
outils de contrôle rigoureux) pour opérationnaliser la Stratégie nationale
de développement de la riziculture (SNDR). D’où, la nécessité d’un tableau de
bord de suivi de la vulgarisation de la recherche appliquée, le recentrage de
l’État sur ses fonctions d’orientation, d’incitation, de réglementation et de
contrôle. En bref, la promotion effective du monde paysan et des dynamismes
locaux.
Par
conséquent, ces mesures auront pour effet la professionnalisation des familles
paysannes qui, selon les données du récent recensement national de
l’agriculture, exploitent environ 74% des superficies cultivées et de réduction
des importations.
Excellente contribution d'un acteur de terrain qui sait de quoi il parle.
RépondreSupprimerNous sommes tous d'accord que la filière riz si elle était dynamisée contribuerai hautement à la réduction du taux de chômage et revaloriserait le niveau de vie d'un nombre conséquent de paysans.
Gageons que le nouveau ministre fasse dans l'opérationnel plutôt que dans le sensationnel.
Très belle analyse. Il existe déjà une agence de développement de la filière riz, pourquoi ne pas plutôt accompagner les actions sur le terrain plutôt que de créer un ministère de trop.
RépondreSupprimer«investir dans l’opérationnel» Je partage amplement cette suggestion. La création d'un nouveau cadre ministériel coûtent extrêmement cher, il aurait fallu destiner les fonds aux renforcement des coopératives existantes par la mise à disposition d'outils à fort rendement et cela, le ministère de l'agriculture suffit pour le faire.
RépondreSupprimerUne analyse très poussée !
RépondreSupprimerCependant il y'a une question que je me pose très souvent, c'est de savoir qu'elle définition donnons nous vraiment à l'autosuffisance alimentaire ?
Jusqu'aujourd'hui, les denrées produites par nos braves paysans pourrissent dans nos villages par manque d'infrastructures et d'encadrement pour la conservation.
Dans un tel contexte l'implantation d'un système intelligent permettant de contrôler le patrimoine agricole national afin de mieux
le promouvoir s'impose.
Cela pourrait permettre d'identifier concrètement les failles, les menaces et les issues pour mieux agir et arrivé à l'autosuffisance tant attendu.
Merci et bonne continuation.