Et si l’agriculture était une alternative crédible contre l'immigration clandestine
L’emploi des jeunes
et la question de l’immigration clandestine demeurent une préoccupation pour
l’Afrique. Nous sommes allés à la
rencontre de Keita Kassim, un ancien
immigrant investi dans l’entrepreneuriat agricole.
De nombreux jeunes
africains sont tous les jours tentés de franchir les portes de l’Occident, à la
recherche d’une meilleure vie, même s’ils sont conscients que les moyens
empruntés pour y accéder comportent de très gros risques. Le phénomène a pris
de l’ampleur ces dernières années. Plus de 105.000 personnes, selon
l’Organisation Internationale pour les Migrations, ont rejoint l’Italie cette
année à bord de petits bateaux souvent surchargés et inadaptés. L’Afrique a
perdu de nombreux bras valides dans cette aventure périlleuse. 22.000 hommes,
femmes, et enfants ont péris dans la méditerranée ces quinze dernières années.
Monsieur Kassim
malgré ces chiffres effrayant a emprunté ce chemin. Mais pourquoi ?
‘’ Notre société a toujours eu beaucoup de considération pour les émigrés. Les familles qui s’en sortent bien financièrement comptent des émigrés parmi leurs membres », expliqua Keita Kassim, «Les émigrés qui reviennent au pays sont perçus comme des modèles de réussite. Ils circulent à bord des plus belles voitures, possèdent les plus grandes maisons et ces signes extérieurs de richesse amènent de plus en plus de jeunes gens à vouloir s’expatrier pour gagner de l’argent et imiter ces émigrés. Et cela a un impact très important sur la mentalité des jeunes. Beaucoup d’entre eux pensent qu’il faut aller en Europe pour réussir dans la vie… Moi aussi j’avais pensé ainsi’’.
Qu’est-ce
qui s’est passé ?
KK :
Je travaillais dans le champ de mon père et à 24 ans, je devais travailler pour
la famille. Je n’avais pas droit à un lopin de terre pour travailler pour moi.
J’avais besoin de ressource pour me prendre en charge et l’agriculture familiale
ne rapportait pas grand-chose. Un matin, j’ai pris mes petites économies après
quelques semaines de travail journalier à la mine d’ity, j’ai rejoint le Mali,
on a traversé le désert du Sahara et nous avons
embarqué en Guinée Bissau à bord de bateaux à destination des îles espagnoles des Canaries…
Ce n’était pas trop risqué, étiez-vous aussi désespéré pour prendre autant de risque ?
KK : Tout le monde
pense que les candidats à l’immigration clandestine sont des gens désespérés,
mais imaginer qu’ils s’agissent de personnes pleines d’espoir … Ils croient
toujours qu’ils vont y arriver, même s’ils n’ont absolument aucune notion de la
géographie ou de l’espace. Moi je n’arrivais même pas à faire la différence
entre l’Espagne et l’Allemagne », va-t-il ajouté… En Côte d’Ivoire, près de quarante pour cent des jeunes
citadins diplômé sont au chômage, nous savions que nous jeunes rurale sans
diplôme avions qu’une seule alternative
: immigrer. La conviction qu’il faut à tout prix se rendre en Europe, quelques
soit le risque, est bien résumée dans l’une de nos expressions (Barcelone ou
mourir), et qui illustre bien notre détermination à affronter la mer. Bien sûr,
on nous a toujours dit 'ne partez pas, c’est dangereux', mais qu’est-ce qu’on nous
a proposé en échange ?
Pourquoi êtes-vous revenu
KK : Une fois sur place je me suis très vite rendu
compte du travail qui m’attendait, entretenir un champ d’aubergine, ce que j’ai
refusé de faire au pays. Mais là ce n’était pas les mêmes conditions. J’allais être payé pour le faire. C’est en Espagne
que j’ai réalisé que l’agriculture pouvait permettre à une personne de se
prendre en charge et vivre dans des conditions très décentes (maison, voiture,
santé). « Ici nos gouvernements nous disent
qu’il faut retourner à la terre, alors que tout le monde sait que
l’agriculture, en Côte d’Ivoire, ça ne marche pas »
Cependant en Espagne
j’ai vu une agriculture qui marche, j’ai vu un patron qui était propre et
pratiquait le métier avec fierté et passion. J’ai vu des enfants qui rêvaient
de faire comme leur père. Et j’ai commencé à aimer l’agriculture, surtout quand j’ai vu ce que ce pays aride et un peu désertique était capable de produire alors que chez moi en Côte d’Ivoire il a de la bonne terre arabe, de la forêt noir et les grands fleuve partout. J’ai décidé de renter ! j’ai
voulu faire comme mon patron espagnole. Avoir ma propre parcelle, produire pour
moi-même et être mon propre Patron. Après des années de travail j’ai réuni
quelques économies et je suis rentré au pays j’ai acquis deux hectares de terre
ou je produis aujourd’hui des aubergines.
Avez-vous
rencontré des problèmes dans votre réintégration
KK : Oui beaucoup, j’ai
été objet de tous les mots, revenir de l’Europe pour pratiquer une activité
s’alimente. J’étais aux yeux de tout un projet d’échec. Aussi j’ai rencontré
plusieurs difficultés que je n’avais pas prévues. Le
problème du foncier rural, l’accès à des outils qui permettent d’optimiser la production et l’accès aux
marchés. Des problèmes traditionnels liés au secteur agricole constituent un
cercle vicieux qui maintien les acteurs dans un forme de ‘’pauvreté
luxueuse’’…
Qu’est-ce
qu’ils appellent pauvreté luxueuse ? Je n’ai pas voulu l’importuner d’avantage
c’est un jour de travail. J’ai juste voulu à ce stade avoir son message à
l’endroit de mes lecteurs.
KK : Le Retour des
Jeunes vers l’Agriculture est une solution crédible à l’immigration. C’est
une solution qui devrait permettre de
donner du travail aux jeunes sans emploi afin de les fixer dans leur terroir.
Or il faut une volonté politique pour
valoriser ce secteur et les personnes qui pratiquent ce métier. Moi
depuis que je suis rentré, je n’ai pas demandé grand-chose, juste une motopompe
pour produire en contre saison. Mais
aucun soutien. Je me débats tout seul. Enfin j’aimerais dire aux jeunes qui
n’ont pas encore fait le choix de partir que l’agriculture c’est bien et c’est
ce que nous faisons en Europe. Si nous
nous mettons ensemble, nous arriverons à produire et proposer aux consommateurs nos
produits au lieu qu’ils consomment des produits importés. Après 23 ans
d’Immigration en Espagne, Moi Keita Kassim, je suis de retour en Côte d'Ivoire,
et je gagne ma vie convenablement dans la production d’aubergine au coté de mon épouse. Je suis
d’ailleurs le premier producteur dans mon département.
Superbe histoire mais l'interrogation demeure, les griefs relevés par Kassoum sont le frein à l'implication des populations à la valorisation du secteur agricole. L'instabilité de la politique agricole, son leitmotiv autour des produits de rente et le manque de formation des paysans accentués par le caractère de rentier des agents agricoles freinent le processus collectif d'implication des jeunes en particulier et des populations rurales en général à s'adonner pleinement au métier de la terre.
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