Pourquoi est-il si difficile de financer l’agriculture familiale en Côte d’Ivoire?

Cet article adresse un panorama des besoins et des difficultés d’accès au financement des exploitations familiales en Côte d'Ivoire. Il revient sur les différentes stratégies qui ont été mises en œuvre depuis les indépendances pour permettre à ces agriculteurs d’accéder au crédit et souligne les défis qui restent à relever.
Les agricultures familiales ont un rôle fondamental à jouer dans le développement des régions de Côte d’Ivoire mais les contraintes et leur développement restent importants. Les aléas naturel et climatique se renforcent : l’accès aux intrants est préoccupant ;  les marchés agricoles restent incertains et fortement asymétriques ; la compétition sur les ressources se renforce ; les politiques agricoles rénovées peinent à se mettre en place…  malgré ces contraintes, les agricultures familiales se transforment, s’équipent, intègrent des productions à plus hautes valeur ajoutée, intensifient l’élevage, s’insèrent dans la diversité de marchés et de filières, consolident leurs organisations économiques d’installation de jeunes agriculteurs formés, gage d’espoir et d’innovation, constituent un embryon de renouvellement des agricultures familiales.

Trop risqué d’investir dans l’agriculture familiale

L’activité agricole en côte d’Ivoire est encore perçue comme particulièrement risquée, que ce soit au niveau des prix des produits agricoles (très volatils) ou de la production (aléas climatiques, ravageurs…). Pour les institutions financières que nous avons rencontrées, ces facteurs représentent un risque de non remboursement souvent élevé et difficile à évaluer. Face à ce risque, elles demandent des garanties que tous les producteurs agricoles ne peuvent fournir (titre foncier, autres biens) et appliquent des taux d’intérêt en général élevés.

Une offre de crédit défaillante

Pour transformer leurs chaînes agricoles, ces agriculteurs ont besoin d’investir et souvent, faute de ressources propres, l’accès à des services financiers et l’offre de crédit en particulier, restent défaillants face à la demande des agricultures familiales.
Les volumes financiers disponibles pour le crédit à l’agriculture sont faibles au regard de l’ampleur de la demande et ils  se concentrent sur du crédit de court terme. Les crédits de moyen terme et de long terme font largement défaut. Les jeunes agriculteurs et les organisations agricoles sont particulièrement défavorisés dans l’accès au crédit.
De plus, les taux d’intérêt proposés, notamment par la micro-finance, sont souvent difficilement compatibles avec le niveau de rentabilité des activités agricoles familiales. L’offre de services financiers est peu adaptée à la nature systémique des besoins de financement des agriculteurs familiaux qui combinent des productions agricoles vivrières et commerciales, différentes formes d’élevage et souvent des activités non agricoles ; les besoins de financement familiaux (sécurité alimentaire, école, santé,…) sont étroitement liés aux besoins productifs. Enfin, la méconnaissance et la méfiance restent grandes entre secteurs agricoles et financiers, entravant les efforts d’innovation.

Des réponses révolues au fil du temps

Dans les années 1960 et 1970, c’est l’investissement public et la coordination verticale de l’économie par l’Etat qui apparaissaient comme les réponses appropriées. Reposant sur l’hypothèse de l’incapacité des paysanneries pauvres à épargner et à investir, les politiques de cette période ont été fondées sur le crédit  agricole, du changement technique et de l’innovation. Le coût du crédit était partiellement assumé par l’Etat à travers des taux d’intérêt subventionnés et le risque de non remboursement était limité par des prélèvements à la source dans les filières de production fortement intégrées. La coordination du système de financement était étatique et verticale. La faiblesse des résultats obtenus, conjuguée à la défaillance des structures publiques impliquées et à la généralisation de la pensée économique libérale, ont conduit à délaisser cette approche.
A suivi dans les années 1980 une réponse par les marchés financiers ruraux. Les services financiers ne sont alors plus considérés comme des outils politiques d’orientation du développement, mais comme des composantes d’un marché qui mettent en relation les offreurs et les demandeurs de capitaux, par la médiation d’un prix-le taux d’intérêt. La coordination ‘’naturelle’’ du marché doit permettre aux capitaux de se loger dans ce secteur qui est aujourd’hui  à même de les fructifier, mais les banques commerciales ne se sont pas encore emparées du marché agricole, qu’elles jugent peu attractif.

Même la micro-finance qui se développe sous nos yeux peine à répondre à la demande de l’agriculture familiale. Cinquante ans après notre indépendance, des politiques agricoles se sont succédées mais  les agricultures familiales restent encore très peu financées.

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